Joie pour l’Église, chers frères et sœurs, de fêter celui que le pape Pie IX lui a donné comme saint patron, le 8 décembre 1870, il y a donc cent-cinquante ans. Joie pour les Chrétiens de vivre, depuis le 8 décembre 2020, toute une année dédiée à Saint Joseph. Joie pour l’Église d’honorer en ce 19 mars comme il se doit le Saint Époux de la Vierge Marie que Dieu a donné pour père à son Fils Jésus. Cette année spéciale nous permet non seulement de mettre à l’honneur saint Joseph, mais surtout de redécouvrir son importance dans le mystère de l’Incarnation et dans la vie des chrétiens aujourd’hui.
Patris Corde. Non, ce n’est pas le nom d’un homme, c’est le nom de l’exhortation apostolique du pape François consacrée à saint Joseph. « Patris corde », cela veut dire : « Avec un cœur de père ». « C’est ainsi, dit le pape François, que Joseph a aimé Jésus, qui est appelé dans les quatre Évangiles ‘‘le fils de Joseph’’ » (cf. François. Patris Corde. Introduction). Si les récits de l’Enfance de Jésus ne se trouvent que dans les évangiles de Luc et Matthieu, les quatre évangiles appellent Jésus, le fils de Joseph. Ce n’est pas parce que saint Joseph n’a pas engendré Jésus qu’il n’est pas son père ; il l’est à la fois humainement et spirituellement. Marie n’a d’ailleurs pas d’autre manière de parler de son époux. Lorsqu’elle retrouve Jésus au temple de Jérusalem, après trois jours de recherche, elle le gronde gentiment comme le font souvent les mamans. Elle lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » (cf. Lc 2, 48). Depuis la parole de l’ange Gabriel lui demandant de prendre chez lui Marie son épouse, « puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (cf. Mt 1, 20b), Joseph a pris ses responsabilités d’époux et de père. Dieu a voulu une famille complète pour son Fils : une mère et un père. C’est donc avec un cœur de père – patris corde – que Joseph a veillé sur la sainte famille de Nazareth.
Joseph n’a donc pas un rôle secondaire dans le mystère de l’Incarnation. Certes, Marie est choisie pour donner la vie au Fils de Dieu. Mais Joseph est l’époux de Marie et Dieu a absolument besoin de lui pour mener à bien l’avènement du Divin Enfant. Cet Enfant, certes Dieu incarné, est un enfant ; et tous les enfants ont besoin d’un père qui ne se contente pas de seconder la mère mais qui est tout autant partie prenante dans le soin et l’éducation de l’enfant. Ce que saint Joseph assumera parfaitement. C’est vrai que dans l’Évangile, Marie parle peu mais parle bien, comme on dit. Joseph, lui, ne parle pas. Non pas qu’il soit muet, mais ni Saint Luc, ni saint Matthieu ne le font parler ; ils ont plutôt misé sur son action et sur sa présence aimante. Joseph a offert sa vie au Seigneur. Il se donne totalement à Marie dans l’amour conjugal et il respecte le don qu’elle a fait d’elle-même à Dieu pour l’accomplissement du mystère de la Rédemption : « Voici la servante du Seigneur : que tout m’advienne selon ta parole » dit Marie à Gabriel (cf. Lc 1, 38) – nous fêterons d’ailleurs l’Annonciation jeudi prochain. Marie est donc l’épouse de Joseph en même temps qu’elle est servante du Seigneur ; et Joseph vivra ainsi en épousant Marie et en accueillant l’Enfant qu’elle porte et qui sera aussi son enfant.
Il nous faut donc honorer saint Joseph, chers frères et sœurs. Ces dernières décennies, son culte s’est quelque peu développé et c’est une bonne chose. A la suite du bienheureux Pie IX qui déclarait Joseph saint patron de l’Église universelle, le pape Pie XII le déclare saint patron des travailleurs, le 1er mai 1955. C’est ainsi qu’aujourd’hui, nous pouvons dire que saint Joseph a plusieurs patronages tout aussi importants les uns que les autres. Sans oublier qu’il est aussi l’apôtre de la bonne mort, c’est-à-dire, celui que l’on peut invoquer pour lui demander de se préparer à une mort sainte, dans les bras de Jésus. Comme lui-même, d’après la tradition, est mort avec Jésus et Marie à son chevet, nous pouvons lui demander d’être là à l’heure de notre mort. À une époque où la mort est presque devenue un sujet tabou, il nous est bon de retrouver le sens chrétien de la mort et de nous y préparer, au moment venu, comme le moment de la Rencontre avec le Seigneur. Saint Joseph est le père spirituel qu’il nous faut, frères et sœurs, pour ne pas sombrer dans la peur de la mort et entrer dans la joie de la vie avec le Christ, là où se trouvent déjà Marie et Joseph.
Oui, saint Joseph a plusieurs facettes indissociables les unes des autres que nous pouvons découvrir. C’est ainsi qu’il peut, à divers titre, se faire proche de nous selon les moments de notre vie, selon les sentiments que nous éprouvons, selon les difficultés que nous connaissons. Dans sa lettre apostolique, le pape François fait ressortir sept traits de la personnalité de saint Joseph qu’il puise évidemment dans les attitudes de Joseph dans l’Évangile. Tout d’abord, Joseph est un père aimé. L’Enfant-Jésus aimera et se soumettra à Joseph avec la docilité d’un enfant comblé d’amour par ses parents. Dans la Trinité Sainte, le Fils aime le Père ; mais Dieu fait l’expérience de l’amour humain, de l’amour paternel, et il rend à Joseph un amour filial. Joseph est un père de tendresse ; à la crèche comme ailleurs, Joseph fait découvrir à Jésus la tendresse humaine d’un père. Joseph est aussi un père dans l’obéissance puisqu’il écoute à chaque fois les paroles de l’ange pour sauver et préserver l’Enfant de toute menace. Un père dans l’accueil de toutes les paroles divines qui lui permettent d’éduquer Jésus pour le faire devenir tout simplement un homme. Un père au courage créatif car il sait organiser les choses pour sa famille dans toutes les circonstances et particulièrement les circonstances délicates. Joseph est un père travailleur qui enseignera l’amour du travail à celui qu’on appellera « le fils du charpentier ». Comme je l’ai dit tout à l’heure, on n’entend pas la voix de Joseph dans l’Évangile ; mais on peut la deviner. Il est le père qui se tient dans l’ombre non pas pour s’humilier ou par honte de quoi que ce soit ; il se tient dans l’ombre pour mieux observer, écouter, méditer et agir selon l’Esprit de Dieu. Ce Dieu qui l’a choisi et qui lui a donné son cœur de père.
Chers frères et sœurs, les grandes figures ne sont pas forcément celles qui parlent le plus et se mettent toujours en avant. Saint Joseph est pour nous le parfait exemple avec Marie son épouse. Que nous soyons époux, père, travailleur, chrétien, chacun peut et doit trouver en saint Joseph un modèle de vie. Tous, nous avons quelque chose à apprendre de Joseph pour une vie selon le cœur de Dieu. Comme Jésus, soumis à Marie et Joseph dans son humanité, soyons soumis aux enseignements discrets mais forts de Joseph. Il nous apprendra ainsi à vivre dans l’humilité du Christ qui a voulu prendre notre humanité pour que nous soyons unis à sa divinité. C’est bien à cela que nous fait communier le pain eucharistique. Amen.
Abbé Jean-Paul Filippi