On peut dire qu’il y a de l’animation aujourd’hui au Temple de Jérusalem. De nos jours, les journalistes auraient vite accouru avec leurs caméras pour filmer Jésus. Peut-être même que la police serait intervenue et aurait arrêté Jésus comme un terroriste venant troubler la quiétude de la religion juive de l’époque et ses habitudes dans le Temple. En ce 3ème Dimanche de Carême, il nous est demandé de revenir à l’essentiel, à Celui qui déclare à Moïse : « Je suis le SEIGNEUR ton Dieu » (cf. Ex 20, 2), à Celui que Jésus nous présente comme le Père dont la maison doit être respectée. Et cette maison, c’est nous, chers frères et sœurs, puisque le Christ habite en nous.
La sainte colère de Jésus au Temple est un signe, le signe que quelque chose ne va pas, ne convient pas. Ne nous arrêtons pas à la colère elle-même ! Parfois, quand on dit qu’une personne s’est mise en colère contre une autre ou d’autres personnes, on met l’accent sur la colère, donc sur la forme de la revendication qui fait passer au second plan le fond de la colère souvent légitime. La colère de Jésus montre qu’il est vraiment un homme comme vous et moi avec des sentiments et une grande sensibilité. Pourquoi cette colère contre les marchands d’animaux et les changeurs de monnaie ? Leur présence est nécessaire au Temple pour changer la monnaie romaine et acheter l’animal du sacrifice. Mais ce n’est pas leur place initiale. Petit à petit, on leur avait laissé quelques libertés qui avaient pris des proportions pour en arriver à « faire de la maison du Père une maison de commerce » (cf. Jn 2, 16). Jésus remet donc de l’ordre en voulant redonner au Temple sa vocation première : être le lieu de la Présence de Dieu, du Dieu qu’il n’hésite pas à appeler son Père.
Eh oui ! Dieu est notre Père et nous ne devons jamais l’oublier parce que absolument toute notre vie dépend de la relation que nous avons avec Lui. Tout vient de Lui et tout va vers Lui. Certes, nous le savons que Dieu est notre Père, nous le reconnaissons, nous l’affirmons dans notre Credo : « Je crois en un seul Dieu le Père tout-puissant créateur du ciel et de la terre… ». Mais est-ce que notre vie tourne autour de cette affirmation de foi ? Ou plutôt, est-ce que cette affirmation de foi fait tourner notre vie ? Quand le Seigneur donne les Dix Paroles fondamentales à Moïse comme Tables de la Loi, il ne commence pas par dire : Tu feras ceci ou bien Tu ne feras pas cela. La première chose que Dieu dit et qui sera en tête de la Loi c’est : « Je suis le SEIGNEUR ton Dieu… tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi » (cf. Ex 20, 2a.3). Tout est clair. Si le Seigneur est notre Dieu, il est le seul Dieu. Si j’accueille cette parole avec foi, alors je dois chasser toutes les idoles qui s’offrent à moi pour laisser toute sa place à Dieu le Père.
C’est bien ce que veut faire comprendre Jésus au Temple : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce » (cf. Jn 2, 16). Jésus chasse tout ce qui empêche de voir l’essentiel, tout ce qui masque la présence de Dieu dans le Temple. Il nous invite à faire de même dans notre cœur, dans notre vie. Quelles sont les idoles, quelles sont les écrans qui m’empêchent de voir Dieu, de sentir sa présence ? Oui le Seigneur nous a créé libres, libres de le choisir, libres de l’aimer. Tout en le choisissant et en l’aimant, nous savons bien que nos péchés sont des obstacles à notre relation avec le Père. Nous usons et abusons parfois de notre liberté pour de petits arrangements, de petites accommodations qui font que, peu à peu, le sanctuaire de notre corps et la vie que nous lui faisons mener devient « une maison de commerce ».
Non, frères et sœurs, pas de commerce avec le Seigneur ! Le Carême est justement le fouet du Christ qui chasse nos péchés, qui chasse nos entraves à l’amour vrai et fidèle de notre Dieu. Pour cela, les Dix Paroles données autrefois à Moïse sont l’un des piliers de la vie chrétienne que les Béatitudes viendront parfaire. Voilà le meilleur examen de conscience à faire à partir de ces dix paroles de vie. Nous l’avons chanté avec le Psaume de ce dimanche : « La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples » (cf. Ps 18B, 8). Parce que le Seigneur est notre Dieu, notre Père, ses paroles ne peuvent qu’être des commandements d’amour. Je vous invite fortement à méditer la première lecture tout au long de cette 3ème semaine de Carême qui s’ouvre. La loi de Dieu nous permet de vivre selon son cœur de Père, comme ses fils et filles, particulièrement en ces temps difficiles qui suscitent en nous la charité, la consolation, la compassion. Souvenons-nous de notre carême écologique à vivre cette année : l’attention à la création, à toutes les créatures, particulièrement les personnes qui souffrent. Et pas seulement de la Covid-19, mais à toutes les conséquences de la pandémie.
En laissant la première place au Seigneur dans notre vie, en laissant résonner ses Paroles d’amour dans nos cœurs pour vivre à leur école, nous manifestons ainsi la présence du Seigneur qui n’est pas uniquement dans nos églises et nos chapelles, mais là au plus profond de notre âme. Il a fallu quarante-six ans pour bâtir le temple de Jérusalem aujourd’hui détruit ; il a fallu trois jours pour bâtir le nouveau temple qui est Jésus le Christ en qui habite la plénitude de la divinité ; il faudra bien toute notre vie pour garder à l’esprit que nous sommes les pierres vivantes de l’Église du Christ. Vivantes, oui, car si nos péchés nous rapprochent de la mort, le pardon de Dieu nous relève, nous « redonne vie » comme chante le Psaume. La Victoire du Christ sur la mort comble notre existence et nous aide à avancer dans la confiance et l’espérance que « ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (cf. 1 Co 1, 25).
Chers frères et sœurs, que cette 3ème semaine de Carême qui commence nous aide à reprendre conscience que le Seigneur est notre Dieu et Père ; que ses Dix Paroles d’amour sont fondamentales pour notre vie selon l’Évangile ; et que nous devons chasser tout ce qui encombre notre relation avec lui. Jésus Christ nous donne la force de l’Esprit Saint : avec lui et grâce à lui, que resplendisse en nous, en notre temple intérieur, la douce présence du Père comme meilleur témoignage de foi pour le monde ! Amen.
Abbé Jean-Paul FILIPPI