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Partager des professeurs, un tableau noir, une cour de récréation, ça fait l’unité des camarades de classe. Une histoire commune, une culture, des valeurs, unissent une Nation… Plus encore, la mise en commun des biens, la fidélité promise, les enfants, unissent très fort l’époux à sa femme… L’unité est à la mesure de ce qui est partagé en commun.
Lorsque Saint Paul, en captivité à Rome, veut exhorter les chrétiens d’Ephèse à l’unité, il met sous leurs yeux le trésor qu’ils ont en commun.
Par deux fois, il s’adresse à eux en rappelant « l’appel dont ils ont été appelés » ; c’est justement l’étymologie du mot « Église » : venant d’un appel. L’Église n’est pas une association voulue de volonté humaine, mais une communauté rassemblée par volonté divine, chacun étant choisi dès avant la fondation du monde. Ce dimanche, chacun de nous a décidé de venir près de l’autel de Dieu. Mais nous sommes en fait précédés par un appel mystérieux à faire partie d’un seul Corps, habité d’un seul Esprit. Notre appel nous unit comme membres les uns des autres.
Saint Paul continue. Les chrétiens, gouvernés par un seul Seigneur, partagent une seule foi, un seul baptême. Pour nous, cela se manifeste par les dogmes, et les rites de l’Église. Voilà deux mots que notre monde moderne déteste au plus haut point, parce qu’il ne peut les comprendre. Dogmes et rites. Pour lui ce sont des carcans rigides qui contraignent l’esprit et le corps de l’homme et l’empêchent d’être libre. Ils sont nécessairement arbitraires, ils pourraient être autrement, leur valeur est toute relative ; l’idéal, pour le monde, est d’être maître de toutes ses pensées, y compris sur Dieu : c’est faire sa propre religion individuelle. Ces idées sont à la racine de la misère spirituelle de notre temps. En refusant de s’ouvrir à un mystère qui dépasse l’homme et qui se révèle gratuitement, le monde s’enferme dans la prison la plus étroite, la prison de son propre jugement, pauvre et stérile. Le monde d’aujourd’hui n’est pas « prisonnier dans le Seigneur », mais « prisonnier de lui-même », et il supporte tristement sa propre condamnation.
Chers frères et sœurs, renouvelons au contraire notre amour des dogmes et des rites de notre sainte Église.
Ses dogmes ne sont pas des vérités façonnées de main d’homme et imposées tyranniquement au peuple, ils sont –pour employer une image empruntée à l’alpinisme—comme des points d’accroche pour notre intelligence, que Dieu lui-même nous donne pour que nous puissions vraiment le connaître. Dans notre CREDO, solide comme une enclume, l’Esprit-Saint élève les mots humains, pour qu’ils puissent parler du Très-Haut. Ils deviennent capables de nous mettre en relation avec lui en toute certitude. Ils sortent l’intelligence de ses tâtonnements, et mettent le cœur au large.
Les rites de l’Église ne sont pas un ensemble de pratiques imaginaires, utilisées par une élite pour asservir le peuple en lui donnant bonne conscience. Les sept sacrements, sont des gestes et des paroles institués par Jésus-Christ pour distribuer réellement à chaque fidèle les trésors de la grâce, acquis par le Fils de Dieu au prix de son sang. A travers les ministres de l’Église, c’est lui-même qui touche, encourage, relève, guérit, nourrit et sauve les hommes d’aujourd’hui. Quelle joie et quelle assurance pour nous tous, de savoir Dieu si proche, vivant et vivifiant, par les rites de son Église.
Mais le plus gros du trésor commun de l’Église est encore à découvrir. Saint Paul mentionne une « unique espérance » dont il ne donne pas de détail ici. Au début de l’épître, il priait Dieu « d’illuminer les yeux de notre cœur pour nous faire voir » cette fameuse espérance, et les « trésors de gloire » que contient l’héritage des fils de Dieu. Ces biens qui dépassent l’entendement, demeurent habituellement obscurs à nos yeux de chair. Ils nous sont néanmoins promis par Dieu et constituent le partage qui unit le peuple saint.
A nous d’être « dignes de l’appel », comme dit saint Paul ; de « nous efforcer de garder l’unité de l’Esprit ». Voilà un effort à commencer dans nos familles, dans notre petite paroisse du Bon Pasteur. Ce qui convient aux élus, ce n’est pas l’arrogance du monde, l’esprit de rivalité, de jalousie, de division, de rancune, de domination. C’est l’humilité, la douceur, la patience. C’est renoncer aux attitudes du monde pour accueillir pleinement en nos cœurs les sentiments du Christ : « soyez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur »… Et en même temps qu’un effort pressant, l’unité est une grâce que nous demandons, comme dans la Prière eucharistique : « Quand nous serons nourris de son corps et de son sang, et remplis de l’Esprit-Saint, accorde nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ. »
Travaillons fermement, et prions Dieu pour que l’Église du Christ soit un signe unique et resplendissant de la bonté de Dieu. Pour que tous soient un. Pour que le monde croie.
Abbé Louis Fabre +