Méditation du 5ème dimanche de Carême A

• PREMIÈRE LECTURE : (Ez 37, 12-14)
Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez
• PSAUME : (Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8) DE PROFUNDIS
Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur
• DEUXIÈME LECTURE : (Rm 8, 8-11)
L’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en vous
• L’ÉVANGILE : (Jn 11, 1-45)
Je suis la résurrection et la vie

Les lectures bibliques sont sur internet => https://www.aelf.org/2020-03-29/romain/messe

Chers frères et sœurs, ce temps de Carême est vraiment particulier et inédit à cause de notre confinement. Nous espérons tous en voir la fin et vivre le prochain carême dans des conditions dites normales. Cela dit, le carême n’est-il pas le temps de l’intériorité ? Le temps où, comme dit saint Augustin, « nous tournons nos sens vers l’intérieur » pour refaire notre santé spirituelle grâce à la lumière de l’Esprit Saint qui éclaire notre intérieur avec l’Évangile du Christ comme repère pour mieux nous mener vers le Père. Si, comme vous, j’ai hâte que le confinement soit levé, je me dis que nous pouvons tirer profit de ce temps chacun chez soi. Que nous soyons seul, en couple ou en famille, en maison de retraite ou à l’hôpital, faisons au mieux de ce confinement, un temps d’intériorité. Ainsi, lors de la ‘‘libération’’ si je peux dire, nous pourrons symboliquement sortir de notre ‘’tombeau’’ pour revivre, fortifiés par l’Esprit de Dieu.
Ces jours-ci, un ami m’a envoyé ce dessin humoristique que vous voyez à droite des références bibliques de ce 5ème Dimanche de Carême. Jésus est devant le tombeau ouvert de son ami Lazare qui est mort depuis quatre jours. « Lazare, viens dehors ! » crie Jésus (cf. Jn 11, 43). Et, de l’intérieur, Lazare répond – ceci n’est pas dans l’Évangile évidemment – : « Je coche quelle case ? » faisant référence à l’attestation de déplacement dérogatoire que nous devons remplir pour chacune de nos sorties. C’est vrai, sur notre attestation de déplacement, il n’y a aucune case prévue pour sortir d’un tombeau. Mais toutes les cases sont destinées à une sortie. Autrement dit, toutes les cases sont faites pour rendre la vie, le contact avec l’extérieur. Même si nous l’avons chez nous grâce à la magie d’internet et du téléphone, rien ne peut remplacer le contact direct avec le monde. Nous sommes actuellement privés de vie, en quelque sorte, et nous usons et abusons de tous les moyens techniques pour sortir au moins par les ondes afin de trouver la vie. Tout simplement parce que nous sommes faits pour vivre et rien que pour cela : « Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez » dit le Seigneur par le prophète Ézékiel (Ez 37, 14).
L’Esprit Saint, mis à l’honneur en cette année pastorale, dans notre diocèse, en lien avec la Mission Azur, le Saint-Esprit de Dieu ne sert qu’à donner la vie. La vie humaine, certes, que nous parents nous ont donné : loués soient-ils ! La Vie divine à travers le baptême : « Celui (Dieu le Père) qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous », dit saint Paul (cf. Rm 8, 11). En faisant sortir Lazare de son tombeau – gratuitement, sans cocher de case sur une attestation quelconque – Jésus rend la vie à son ami. Pour le moment, il s’agit de la vie humaine. Mais ce retour à la vie terrestre – qui n’est donc pas une résurrection proprement dite – est le signe de la résurrection future, l’entrée dans la Vie éternelle, la Vie de Dieu. Cette résurrection finale en laquelle Marthe a foi : « Ton frère ressuscitera. – Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour » (cf. Jn 11, 23-24). La résurrection sans attendre la fin des temps en Jésus Christ : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (cf. Jn 11, 26). Alors, nous pouvons chaque jour laisser le Saint-Esprit, qui nous apprend toujours la vraie prière, faire jaillir de notre cœur les paroles du Psaume 129 qui est mon préféré depuis tout jeune. Non parce que le De Profundis est le le psaume par excellence des funérailles depuis des siècles ; mais parce que ce psaume a une puissance sortant de l’ordinaire puisqu’il va chercher on ne peut plus loin notre prière, c’est-à-dire depuis la mort : « Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! » (cf. Ps 129, 1-2). C’est donc le Psaume de l’Espérance qui nous fait croire que « Celui qui croit en Jésus, même s’il meurt, vivra » (cf. Jn 11, 26).
Ce 5ème dimanche de Carême est donc plus une réflexion sur la Vie que sur la mort. Où plutôt, ce dimanche nous apprend à regarder la mort en face comme pour l’apprivoiser. La fête païenne de Halloween tente d’apprivoiser la mort en jouant avec elle parce qu’elle a peur de la mort. La fête de Pâques à laquelle nous sommes en train de nous préparer, bien que confinés, nous fait accueillir la mort avec confiance ; elle nous permet de ne pas avoir peur d’elle. Certes, je ne sais pas encore ce que c’est que de se préparer à la mort ; peut-être qu’elle sera douce, peut-être qu’elle sera douloureuse. St François d’Assise parlait de sa « sœur la Mort ». Le Seigneur nous l’affirme : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter » (cf. Ez 37, 12) parce que nous n’avons pas été créés pour mourir mais pour vivre. Si la mort peut être notre sœur, comme l’appelle St François, c’est pour nous inviter, dans la totale confiance en Jésus Christ, à ne pas, à ne plus en avoir peur. « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu » (cf. Jn 11, 27). La profession de foi de Marthe doit être la nôtre, chers frères et sœurs ; elle permet d’accueillir la mort dans l’espérance de la résurrection. Non pas, une réincarnation comme le croient certaines philosophies ou religion orientales, car nous n’aurons plus rien à faire ici. Lazare est revenu à la vie terrestre exactement comme avant et non réincarné.
Dans notre confinement où, pour beaucoup, le silence est au rendez-vous, je pense que l’occasion nous est donnée de réfléchir à la mort. Je vous avoue que, cette semaine, en ayant ma toux chronique du soir un peu plus forte, la pensée de la mort a traversé mon esprit. C’est vrai. Je ne suis pas à l’abri du coronavirus même si je prends toutes les précautions. Je me suis dit : « Es-tu prêt ? » Je ne sais pas. Si la mort vient dans les jours prochains, tu fais quoi ? Comme c’était le jour de l’Annonciation, après quelques minutes un peu mal à l’aise, l’Esprit de Dieu m’a consolé avec la phrase de Marie à l’archange Gabriel : « Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole ! » (cf. Lc 1, 38). Souvenons-nous que son époux, saint Joseph, est traditionnellement appelé l’apôtre de la bonne mort. Qu’il nous aide à nous y préparer dans la foi et l’espérance, comme la profession de foi de Marthe nous y invite : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu » montrant ainsi que je sais, que je crois, que j’ai la certitude d’être sauvé, la certitude d’entrer dans une vie de ressuscité.
Chers frères et sœurs, alors que beaucoup meurent du coronavirus partout dans le monde, parler de la mort peut sembler déplacé. Les textes bibliques de ce dimanche – je ne les ai pas choisis – nous l’envoie en pleine figure si je peux dire. Non. Ce qu’ils nous envoient vraiment en pleine figure, c’est l’Espérance chrétienne : nous sommes faits pour vivre. Vivre sur la terre, aux prises avec le mal, le péché et la mort, c’est comme si nous étions dans un tombeau. Et lorsque nous nous battons pour la vie, pour vivre, pour faire vivre, coûte que coûte, nous répondons à notre vocation de vivre. Notre baptême nous a déjà fait sortir du tombeau. Refuser de vivre, c’est refuser notre baptême, c’est vouloir mourir. Personne ne veut mourir. C’est tout à fait légitime. Voilà pourquoi nos préparer à mourir un jour, c’est tout simplement nous préparer à entrer dans la salle des noces rejoindre le Christ Jésus, Époux de l’Église, qui nous attend.
Cette 5ème semaine de Carême ne commence pas de manière morbide. Si nous le pensons, c’est que nous n’avons pas bien compris le sens des textes de ce dimanche, le sens de l’espérance chrétienne, le sens de la foi chrétienne qui nous fait croire en Dieu comme étant le Seigneur de la Vie : « Alors, vous saurez que Je suis le Seigneur » (cf. Ez 37, 14). Nous savons qu’Il est le Seigneur lorsque nous croyons qu’il est « la Résurrection et la Vie » (cf. Jn 11, 25). Prions donc pour tous ceux qui meurent sans avoir la joie de la foi et de l’espérance ! Vivons ces jours de carême qui restent avant d’entrer dans la Semaine Sainte en demandant à l’Esprit de Dieu qui habite en nous de faire grandir, jusque dans les profondeurs de notre être, notre propre foi, notre propre espérance, notre propre amour pour Jésus Christ afin de vivre toujours, malgré la mort, hors du tombeau.
P. Filippi