Il y a quarante jours, au matin de Pâques, l’apôtre saint Paul nous invitait à « rechercher les réalités d’en-haut : car c’est là qu’est le Christ, assis à la droite du Père » (cf. Col 3, 1). Aujourd’hui, nous fêtons l’Ascension du Seigneur Jésus vers le Père dans l’attente de l’Esprit de Pentecôte. Les Apôtres eux-mêmes regardent vers le ciel étonnés de voir leur Maître disparaître à nouveau de leurs yeux. Cette fois, dans de nouvelles circonstances : ce n’est plus dans les pleurs et la tristesse du Vendredi Saint, c’est dans la joie de l’avoir vu ressuscité, vivant au milieu d’eux. Aussi, « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière » (cf. Ac 1, 11). Ce n’est plus l’incertitude devant le tombeau fermé du Samedi Saint ; c’est l’espérance chrétienne que Jésus s’est appliqué à faire naître dans le cœur des Apôtres durant les jours de la Résurrection. Cette espérance est la nôtre maintenant, chers frères soeurs, puisque notre foi repose sur la foi des premiers disciples de Jésus Christ.
On peut dire, d’une certaine manière, que ce temps que nous vivons sur la terre depuis notre baptême jusqu’à notre passage dans la Vie par la mort, c’est le temps où Jésus ressuscité entretient notre foi et notre espérance. C’est comme un entraînement à la vie du ciel. Un « coaching » particulier dans une salle de sport spirituel gigantesque qu’on appelle l’Église. Tous les « coachs » ont reçu une formation pour « coacher » les chrétiens à la vie du ciel. Ce que les Apôtres ont vécu pendant quarante jours avec Jésus, une mission d’entraînement qui prend naissance au jour de la Pentecôte grâce à la force de l’Esprit Saint. Voilà pourquoi les deux hommes vêtements blancs les renvoient : « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? » Les Apôtres ont reçu la mission de devenir les évangélisateurs du monde. Lorsque saint Paul nous demande de rechercher les réalités d’en-haut, ce n’est pas pour que nous oubliions la terre, c’est pour que nous ne nous attachions pas à la terre. Rechercher les réalités d’en-haut, c’est tout simplement rechercher à mettre en œuvre les enseignements de Dieu que Jésus nous a laissés. Le pape François et tous les évêques, « les prêtres et ceux qui les assistent », (cf. Prière Eucharistique n°4) « et tous ceux qui ont la charge de ton peuple » (cf. Prière Eucharistique n°2) sont les entraîneurs du ciel, les coachs dont nous avons besoin pour nous préparer à la vie du ciel.
Saint Paul nous parle donc des « réalités d’en-haut ». C’est où en-haut ? Et il y a quoi en-haut ? Depuis la création, l’homme regarde en-haut, vers ce ciel mystérieusement grand et profond. Une attitude naturelle, automatique, que nous avons pour nous ouvrir à ce qui nous dépasse, à ce qui nous questionne. Chrétiens, nous avons la grâce de connaître le mystère du ciel. Certes, comme les autres, nous continuons à regarder le ciel, mais avec la foi et l’espérance des Apôtres qui savent que le Christ est ressuscité et que Jésus « viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel » (cf. Ac 1, 11). En haut, il y a le Seigneur Dieu, le Dieu Père, Fils, Saint-Esprit qui nous aime et qui nous attend. En haut, ce sera la surprise du Chef. Ce n’est que sûrs de notre foi et forts de notre espérance que nous pouvons vivre chaque jour comme des chrétiens confiants. Un chrétien, ce n’est pas quelqu’un qui fait des bonnes œuvres et qui dit « amen » à tout. Un chrétien, c’est, comme le disait saint Pierre, dans la deuxième lecture de dimanche dernier, quelqu’un qui est « prêt à tout moment à présenter une défense devant quiconque demande de rendre raison de l’espérance qui est en nous » (cf. 1 P 3, 15). Autrement dit de vivre avec le Ciel dans le cœur, de vivre avec les autres les mêmes difficultés, les mêmes dangers, les mêmes incertitudes, les mêmes pandémies, MAIS avec le Ciel dans le cœur.
Frères et sœurs, j’aime beaucoup la finale de l’évangile selon saint Matthieu que la liturgie nous fait entendre pour cette solennité de l’Ascension. Contrairement aux trois autres évangiles, elle nous livre directement les dernières paroles de Jésus à ses Apôtres. « Allez ! » Suivent trois demandes expresses du Christ pour ses disciples que nous pouvons et devons reprendre à notre compte. Vivre sur la terre avec le Ciel dans le cœur, c’est aller vivre avec ces trois demandes à mettre en œuvre. Elles sont œuvres de la charité du Christ pour toute l’humanité, œuvres de l’amour de Dieu qui appelle tout homme à « rechercher les réalités d’en-haut ». La Mission Azur dans notre diocèse n’est rien d’autre que cela.
- « Allez ! De toutes les nations faites des disciples ». Je parlais plus haut de la grande salle de sport spirituel qu’est l’Église nous entraînant pour le Ciel. Notre mission chrétienne est de vivre au cœur du monde, à la fois comme les autres, je l’ai dit, et autrement que les autres avec l’espérance qui nous fait regarder toujours vers le Ciel. Sinon, qu’avons-nous à apporter à l’autre d’original ? Comme un coach sportif qui sait vanter les mérites de tel ou tel appareil pour une musculation particulière, nous avons à vanter les mérites de l’Évangile pour une transformation intérieure complète et inégalable. C’est ça, faire des disciples ; c’est témoigner de notre foi, c’est rendre compte de l’espérance qui est en nous. C’est dire, comme Jésus : « Venez, et vous verrez » (cf. Jn 1, 39). Faire des disciples nous invite à appeler les autres à suivre le Christ pour gagner le ciel.
- « Allez ! Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Ce Chemin vers le Ciel passe par la mort et la résurrection, par le baptême. Beaucoup d’hommes et de femmes, d’enfants et de jeunes se préparent au baptême depuis plusieurs mois, dans notre paroisse comme partout dans le monde. Nous sommes appelés librement à faire alliance avec la Sainte Trinité de Dieu, à entrer en relation directe avec le Ciel par l’Église du Christ, grâce au baptême. Dieu nous appelle à une histoire d’amour avec Lui dont nous devons témoigner par notre vie auprès des autres. Je l’ai déjà écrit dans l’une de mes méditations pascales : est-ce que ma vie donne envie de devenir chrétien ? Est-ce que je fais envie ou pitié ? Voilà de quoi faire faire notre examen de conscience à la lumière de l’Évangile, notamment lorsque nous allons nous confesser. Non pas pour nous culpabiliser et nous complaire dans la culpabilité, mais pour demander au Seigneur la grâce de la clarté sur ce qui ne va pas en nous pour travailler à en sortir. Rappelons-le : « Le baptême, dit saint Pierre, ne purifie pas de souillures extérieures, mais il est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite » (cf. 1 P 3, 21). L’entraînement est long et constant pour éviter le relâchement. Tous les sportifs le savent bien.
- « Allez ! Apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ». C’est bien pour cela que nous ne devons pas rester là à regarder vers le ciel ; à l’instar des Apôtres, nous devons apprendre aux autres la recette de vie selon Dieu, selon le Ciel. Dimanche dernier, le Seigneur Jésus nous disait : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements » (cf. Jn 14, 15). S’appliquer à comprendre et mettre en pratique les commandements de Dieu, c’est le signe de notre amour pour le Seigneur. En nous voyant vivre l’amour les uns pour les autres, on peut attirer l’attention ; cette belle et grande Église du Christ est le lieu où l’on s’entraîne à aimer comme le Christ. Jésus n’a pas dit de l’aimer comme il nous aime seulement ; il a dit de nous aimer les uns les autres comme il nous aime. Vivre le ciel sur la terre, ce n’est rien d’autre que d’apprendre à aimer. L’Esprit Saint seul nous donne la force et le désir d’aimer. Ce temps qui s’ouvre d’ici la Pentecôte est le temps favorable pour lui demander de nous apprendre à aimer.
Chers frères et sœurs, le Seigneur Jésus est monté aux cieux rejoindre le Père. Nous le croyons, il viendra dans la gloire, il nous l’a promis, pour nous chercher. En attendant, c’est la vie dans l’Esprit Saint qui nous est demandée, remplie de l’espérance chrétienne. Tout en recherchant les réalités d’en-haut, nous sommes envoyés vers les réalités d’en-bas. Non pour les rechercher, mais pour les faire monter vers le Ciel. En cette période délicate où nous réapprenons à vivre le plus normalement possible, où nous allons bientôt pouvoir nous rassembler pour célébrer ensemble dans nos églises, selon des contraintes sanitaires strictes nécessaires, nous devons prendre à cœur ce qui est intolérable dans notre société. Le « Allez ! » de Jésus, à la fin de son Évangile, nous met au défi de prendre en compte ses trois demandes ci-dessus. Entraînons-nous donc à vivre avec le Ciel dans le cœur et nous serons toujours dans la joie de Dieu. Amen.
Abbé Jean-Paul Filippi