11h55, Robert est assis à son bureau et tente de boucler un gros dossier. Mais l’alarme du bâtiment fait entendre son cri strident ; Robert, excédé, attrape sa veste et sort à grands pas, les mains sur les oreilles.
11h55, Robin travaille à son bureau, quand la douce voix de Marianne l’appelle : le déjeuner est prêt ! Robin se lève d’un bond et sort en chantonnant, la main sur le cœur.
Deux hommes, dans deux situations identiques, deux appels, deux portes, … Et quelle différence intérieure ! Aujourd’hui je voudrais vous proposer de méditer sur ces deux points : l’appel du Bon Pasteur, et la Porte.
Dans une belle parabole adressée aux Juifs de Jérusalem, Jésus nous parle de brebis qui entendent deux voix : la voix du bandit, qu’elles ne connaissent pas, qui les effraie et les fait fuir ; et la voix familière de leur berger, qu’elles reconnaissent entre mille, en qui elles ont confiance. Nous autres, chrétiens depuis de longues années ou jeunes catéchumènes, nous sommes de ce troupeau et nous pouvons reconnaître, par une sorte d’instinct, la voix de notre berger, le Christ. Nos vies sont toutes très différentes, mais chacun de nous a fait l’expérience, progressive ou fulgurante, discrète ou bouleversante, de la voix intérieure de l’Homme-Dieu qui survient dans une vie. Il nous a « appelés par notre nom » : son appel était parfaitement ajusté à notre caractère, à notre état, à notre vie, à notre cœur ; il nous a fait savoir qu’à ses yeux nous n’étions pas un numéro, mais une personne unique, précieuse à ses yeux, et d’une certaine manière préférée à toutes les autres.
Chers frères et sœurs, demandons la grâce à Dieu, aujourd’hui, de faire mémoire de cette seconde, de cette année, ou de ce jour, beau entre tous, où le Seigneur des cieux s’est penché sur nous. Ce souvenir est souvent attaché à un lieu, une date, une personne, ou des circonstances particulières. Ne doutons pas que ce moment existe ; la preuve que nous avons entendu la voix de Jésus, c’est qu’aujourd’hui, au milieu du désert spirituel de notre monde, nous croyons en lui, nous lisons sa parole, nous le prions. Et si le temps a recouvert ce moment d’une couche de poussière, demandons au Saint-Esprit de souffler dessus, de rallumer cette braise très précieuse.
En nous appelant, Jésus nous a aussi fait entrevoir un chemin à emprunter sur ses traces, une « porte ». La porte de Jésus est étroite, et nous avons senti que ce sentier ne serait pas facile, et même très exigeant, mais qu’il serait aussi un chemin de vie, de « vie en abondance ». Une vie que le monde fermé sur lui-même est incapable de nous donner. Son appel insistant nous laissait libres, et nous avons dit Oui, le Oui de la foi, celui de la multitude des saints qui nous ont précédés : la sainte Vierge Marie, saint Joseph, nos saints patrons et nos amis du ciel … Comme à eux, le Christ nous a fait la grâce d’un appel particulier, et il nous a rassuré : « Je suis avec toi ».
Aujourd’hui les lectures nous parlent aussi d’une brebis très spéciale, saint Pierre : un matin, sur le rivage du lac de Galilée, Jésus l’a appelé, tandis qu’il faisait son métier de pêcheur. Et Pierre a suivi Jésus. Une fois ressuscité, Jésus lui a confié une mission unique et mystérieuse : « Pais mes brebis ». La brebis devient lui-même berger au nom de Jésus. Et que se passe-t-il après la Pentecôte ? Nous voyons Pierre élever la voix avec courage devant une foule nombreuse à Jérusalem. Ses auditeurs ne le connaissent pas, mais pourtant ils sont « touchés au cœur », ils lui font confiance et lui demandent le chemin pour leur vie : « que devons-nous faire ? » Et Pierre leur indique le baptême ; il les fait entrer et sortir par la « porte » du Christ. Il les mène aux frais pâturages de la vie dans l’Esprit de Jésus.
Aujourd’hui, alors que nos portes matérielles sont closes, ne négligeons pas de tourner les yeux vers la porte de Jésus. Nous l’avons franchie (ou nous la franchirons) au jour de notre baptême, mais cette porte est ouverte en permanence, dans notre vie quotidienne. Au milieu des activités et des voix habituelles, résonne l’appel du Christ, qui nous ouvre le chemin de la vie en abondance, celui du don de soi, de l’amour héroïque. Quelle est cette porte ? Il y a quelques années, un vieux prêtre de 94 ans m’a dit « Maintenant, je n’ai plus qu’une activité : chaque jour je passe de la mort à la vie. » Je lui ai demandé un exemple, et il m’a dit : « Si dans le menu à la maison de retraite, il est indiqué une bonne soupe au pistou, et que finalement arrive un potage tomate, j’accueille le potage tomate et je rends grâce à Dieu. Je passe de la mort à la vie. » Voilà la porte : entrer dans le réel avec amour, enthousiasme et action de grâces.
Chères brebis du Christ, je vous souhaite une très belle fête du Bon Pasteur ! Prions bien fort pour toute notre paroisse du Bon Pasteur dont c’est la fête aujourd’hui. Pensons aux plus faibles, aux personnes seules, aux frères et sœurs en deuil, et à toutes les brebis égarées qui n’ont pas encore entendu leur berger. Prions pour le successeur de saint Pierre, le Pape François, pour notre évêque André Marceau, pour ses collaborateurs, les prêtres du diocèse de Nice. En cette journée des vocations, prions spécialement pour tous les garçons et les hommes que Jésus appelle au sacerdoce, pour les hommes et les femmes que Jésus appelle à la vie consacrée. Et offrons pour eux nos petits efforts et sacrifices, au long de cette semaine !
Louis Fabre, séminariste du diocèse de Nice
« Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. » Ap 3, 20