Méditation pour le IVè dimanche de carême

  •  PREMIÈRE LECTURE : (1 S 16, 1b.6-7.10-13a)
    David reçoit l’onction comme roi d’Israël
  • PSAUME : (Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
    Le Seigneur est mon berger
  • DEUXIÈME LECTURE : (Ep 5, 8-14)
    Relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera
  • L’ÉVANGILE : (Jn 9, 1-41)
    L’Aveugle-né s’en alla et se lava ; quand il revint, il voyait

Les lectures bibliques sont sur internet : https://www.aelf.org/2020-03-22/romain/messe

 

Chers frères et sœurs,

Ce dimanche de la mi-carême est traditionnellement appelé le Dimanche de Lætare, le Dimanche de la Joie. « Lætare » parce que c’est le premier mot de l’antienne ou chant d’ouverture de la liturgie grégorienne : « Lætare Jerusalem et conventum facite omnes qui diligitis eam… Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d’elle, vous tous qui l’aimez… » (cf. Is 66, 10). Ce dimanche de la Joie est la pause que la liturgie et son calendrier nous proposent au milieu du Carême pour reprendre nos forces afin de mieux avancer vers Pâques. Comment être dans la joie, se réjouir, avec ou sans Jérusalem d’ailleurs, durant ce temps où nous sommes tous confinés à la maison à cause du coronavirus ? C’est que la joie intérieure ne doit jamais disparaître de notre cœur parce qu’elle est la joie même du Christ : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite », disait-il à ses disciples avant de vivre sa Passion et sa mort sur la croix (cf. Jn 15, 11). Si nous ne sommes pas dans la joie à cause de ce que nous sommes en train de vivre, nous pouvons au moins garder une joie présente : celle de nous savoir toujours aimés de Dieu notre Père, accompagnés par le Christ Jésus durant ce temps d’épreuve, réconfortés par son Esprit Saint Consolateur. « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure » chante le Psaume de ce dimanche (cf. Ps 22, 4). Seigneur, quelle joie de me sentir aimé, protégé,rassuré, réconforté, consolé par ta Présence !

Il me revient à l’esprit une remarque dans un livre d’Élie Wiesel (cf. La nuit. 1958. Éditions de Minuit). A Auschwitz, où il était, on pendait sans scrupules un jeune garçon de douze ans et un détenu s’étonnait de l’absence de Dieu dans un moment pareil : « Où donc est Dieu ? » Oui, durant ces temps incertains et délicats pour nous, aujourd’hui, et pour le monde entier, le cri des hommes, nos cris à nous peut-être, sont légitimes comme dans les Psaumes : « Où es-tu, Seigneur ? Pourquoi dors-tu Seigneur ? Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi l’as-tu abandonné ? »… De la même manière que dans le livre de Wiesel, une voix dans la foule des détenus qui assistaient à ces horribles pendaisons s’éleva pour répondre : Dieu : « Où il est ? – Le voici : il est pendu ici, à cette potence…», je dirai que Dieu est dans toutes ces mains qui viennent en aide aux personnes malades du coronavirus, les mains qui soignent, les mains qui réconfortent, les mains qui recherchent un remède pour éradiquer ce virus, etc. Bref, Dieu est présent dans tous ceux qui aiment et travaillent avec amour pour le bien des autres. En nous invitant à nous réjouir à cause de Jérusalem, parce qu’on l’aime, le chant de ce 4 ème Dimanche de Carême nous invite à faire de chaque personne malade l’incarnation de la Jérusalem céleste, c’est-à-dire, du Dieu fait homme en Jésus Christ. Jésus s’est identifié à la Jérusalem de la terre, c’est-à-dire à toute l’humanité pour vivre sa souffrance et sa mort, afin de nous sauver pour l’éternité.

Au Mercredi des Cendres, nous avons commencé le Carême, je vous le rappelle, en étant invités à nous laisser conduire par l’Esprit Saint durant ces quarante jours. L’Esprit Saint étant à l’honneur dans notre diocèse, avec la Mission Azur, pour cette année pastorale 2019-2020. Voici que les quarante jours se sont transformés en quarantaine au sens épidémiologique du terme puisque nous voilà en quarantaine chez nous, privés de sorties, de rassemblements, privés de messes et d’activités paroissiales. C’est une lourde épreuve. Inattendue, incroyable, inédite. Jusqu’à dimanche dernier, nous avancions plus ou moins normalement dans notre carême, conduits par l’Esprit de Dieu. Et puis, brusquement, nous avons l’impression d’être passés directement au Samedi-Saint, un samedi-saint qui dure plus d’une journée, qui va durer longtemps et s’étendre même par-delà le temps du Carême. Le silence du samedi-saint n’est pas un silence vide de sens. Oui, la veille, le Vendredi-Saint, le Christ a été mis en croix et au tombeau. Mais, comme le dit un beau chant des moines de Tamié : « Près de la tombe scellée les gardes veillent ; et pourquoi si la vie est vaincue ? Mais en ton cœur, Vierge Marie, quelle espérance veille ? » L’espérance du jour de Pâques, l’espérance du triomphe de la Vie sur la mort. Cette espérance que la joie de Dieu nous donne d’avoir au cœur pour ne pas sombrer dans la tristesse, la déprime, la peur durant cette période de confinement. C’est aussi cela la joie intérieure. La lumière de la victoire pointe et poindra toujours à l’horizon. Après chaque épidémie, après chaque guerre, l’humanité s’est relevée, car elle n’est pas faite pour vivre dans la mort. « Dans le Seigneur, vous êtes lumière » nous dit saint Paul dans la deuxième lecture de ce dimanche (cf. Ep 5, 8). Jésus lui-même nous l’a dit : « Vous êtes la lumière du monde » (cf. Mt 5, 14). Ce dimanche aurait dû être celui de notre récollection paroissiale précisément sur ce thème de la lumière. La lumière de la Vie. La lumière qui jaillit pour l’Aveugle-né guéri de l’évangile de ce dimanche de la Joie : « Va te laver à la piscine de Siloé ! L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait » (cf. Jn 9, 7). La lumière que l’Esprit Saint nous offre sans cesse, coûte que coûte, toujours et partout, parce qu’aucune épreuve, si douloureuse soit-elle, ne peut nous faire croire que Dieu est absent, qu’il nous a abandonné, qu’il demeure insensible. Espérons-nous un miracle comme pour l’Aveugle-né guéri par Jésus ? Pourquoi pas. En tout cas, le miracle a déjà commencé, comme je le disais, grâce à celles et ceux qui s’acharnent avec amour à soigner les malades et à rechercher un moyen de tuer le coronavirus. Ils sont les mains de Dieu. Ne recherchons pas le spectaculaire ! Dieu peut faire un miracle et nous pouvons le lui demander dans la prière. Mais pas une prière comme celle du fils aîné de l’Évangile qui fait des reproches à son père (cf. Lc 15, 28-30). Une prière de fils et de filles bien-aimés du Père qui, dans la foi, l’espérance et la charité, font comme la Vierge Marie à Cana : « Ils n’ont plus de vin » (cf. Jn 2, 3). En effet, Marie n’impose rien à Jésus : elle lui fait simplement remarquer le problème. Et avec confiance. Elle croit. Tout simplement. « Crois-tu au Fils de l’homme ? » L’aveugle-né guéri répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui. (cf. Jn 9, 35-38). Chers frères et sœurs, n’est-ce pas un miracle, en quelque sorte, si je peux aujourd’hui vous rejoindre par internet et vous proposer cette humble méditation pour ce 4 ème Dimanche de Carême ? Loué sois-tu, Seigneur, pour ceux qui ont inventé cette technique d’internet qui permet de communiquer, bien que confinés chez nous ! Cette technique qui me sert de chaire électronique pour rejoindre mes paroissiens. Soyons lumières du Christ ! Soyons dans la Joie du Christ ! Croyons que Dieu nous aime et souffre avec nous ! Que l’Esprit Saint nous aide alors à prier comme il faut le Père comme Jésus nous l’a si bien appris : « Notre Père, que ta volonté soit faite ! Délivre-nous du Mal ! »

Abbé Jean-Paul Filippi