« Un ami fidèle, un trésor » Homélie dimanche 9 Mai

Qu’est-ce que c’est bien d’avoir un ami ! Je ne dis pas des amis, je dis un ami ;
l’ami toujours présent à qui l’on se confie en toute quiétude. L’ami dont la bible elle-même
le reconnaît : « Un ami fidèle, celui qui le trouve a trouvé un trésor » (cf. Si 6, 14). Eh bien !
Jésus veut faire de nous ses amis. Mieux encore, il nous dit : « Je vous appelle mes amis,
car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (cf. Jn 15, 15b). Quel
honneur, chers frères et sœurs : nous sommes les amis de Jésus. Et nous, est-ce que
Jésus est notre ami ?

Lorsque l’on est enfant, très vite l’on se fait des amis ; des amis de jeu au début et
puis, en grandissant, on découvre que l’on peut faire autre chose que s’amuser ; on peut
discuter, se confier, demander un avis. À tel point qu’au bout d’un certain temps, on peut
dire d’un tel : c’est mon meilleur ami. On ne dit pas tout à tous ses amis, à tous ses
copains, mais à celui-là oui parce qu’une relation particulière s’est instaurée. Parfois, il faut
attendre longtemps avant de pouvoir dire : celui-ci est mon ami, voire mon meilleur ami.
Lorsqu’on devient adulte, l’amitié est tout autant indispensable. Ne serait-ce qu’avec une
seule personne : « Un ami fidèle, celui qui le trouve a trouvé un trésor » (cf. Si 6, 14). Qu’ils
sont malheureux ceux qui n’ont pas d’amis ! Après, ils peuvent aussi se poser la question
du pourquoi ? Car il y a toujours une raison.
L’amitié est une véritable forme d’amour. On parle beaucoup de l’amour, mais
l’amitié c’est de l’amour. Malheureusement, de nos jours, je trouve qu’on ose moins parler
de l’amour-amitié ; et pour éviter toute équivoque, lorsqu’on dit à un ami : « je t’aime » ou
bien en parlant de lui : « je l’aime », on ajoute aussitôt une quantité : je l’aime beaucoup
ou je l’aime énormément. Que veut dire Jésus lorsqu’il nous dit : « Vous êtes mes amis…
Je vous appelle mes amis… » ? Il nous rappelle justement ce sans quoi nous ne pouvons
pas vivre : sans amitié. Lui-même, Jésus a voulu se choisir un groupe de douze hommes
qui, petit à petit, sont entrés dans son intimité, jusqu’à ce que Jésus les appelle ses amis
parce qu’il leur a ouvert son cœur de Fils de Dieu. Jésus leur a fait confiance, totalement
confiance en leur délivrant les secrets du Père. Des secrets qu’ils ont pu ensuite partager
en annonçant l’Évangile. C’est quand même extraordinaire : Jésus, Fils de Dieu, se confie
à des hommes dont un le livrera, Judas ; et un autre le reniera : Pierre. Qu’est-ce que c’est
que cette amitié trahie ? Ne dit-on pas que c’est dans les mauvais moments que l’on
reconnaît ses véritables amis ? Le jeune Jean seul sera au pied de la croix avec Marie.
Mais qu’est-ce qu’un ami fidèle alors ? C’est l’ami qui accepte aussi de pardonner.
A l’image du Christ qui, après sa résurrection, ne s’est pas montré à de nouvelles
personnes, mais seulement à ses disciples qui l’avaient abandonné. « Aimez-vous les uns
autres comme je vous ai aimés », leur dit Jésus (cf. Jn 15, 12). Et comme signe d’un amour
authentique : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on
aime » (cf. Jn 15, 13). Jésus l’a fait pour nous, frères et sœurs, en mourant sur la croix. Et il
nous tend aujourd’hui la main pour que nous donnions aussi notre vie pour lui en aimant à
sa manière. Saint Jean a bien entendu Jésus, son Seigneur et son Maître, qui est aussi
son ami ; il reprend ses paroles dans sa première lettre car ce commandement de l’amour
est primordial : « Aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu » dit saint
Jean (cf. 1 Jn 4, 7).

Aimer, c’est être l’ami de Jésus. Et c’est là que nous nous rendons compte que,
autour de nous, il y a beaucoup de personnes qui savent aimer, qui aiment à la manière
du Christ sans même le savoir. Ceux qui ne viennent pas à l’église, qui ne sont peut-être
même pas croyants. Croire à l’amour, c’est bien le signe que Dieu marche avec eux. Dans
la première lecture, voilà que Corneille, un centurion de Césarée, un païen, accueille
Pierre au grand dam des autres. Mais l’Esprit Saint dépasse heureusement les frontières
de l’Église : « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit
Saint tout comme nous ? » dit Pierre (cf. Ac 10, 47). Oui, frères et sœurs, il nous faut
discerner la présence de l’Esprit Saint dans le cœur de celles et ceux que nous côtoyons :
l’amour est le signe de sa présence.
Un ami, c’est celui qui nous aime toujours, même lorsque cet amour est trahi. Ce
n’est pas toujours évident ; seuls, ceux qui en font l’expérience, le savent. Un ami, ce n’est
pas quelqu’un avec qui l’on parle sur Facebook ou tout autre réseau social et que l’on
supprime bien vite de nos contacts s’il n’entre pas dans nos cases de sélection. Un ami,
c’est quelqu’un que l’on apprend à connaître au delà des apparences et pour lequel on se
donne avec bienveillance. Jésus a eu des amis dans sa vie : Lazare, Marthe et Marie ; il a
eu des amis intimes : ses douze disciples. Et même, on peut dire son meilleur ami en la
personne de Jean, « le disciple que Jésus aimait ». S’il l’aimait, c’est peut-être parce que
c’était celui qui avait le plus besoin d’être aimé ? En tout cas, ayant reçu cet amour de
Jésus, Jean est celui qui nous parle mieux que personne de l’amour dans ses écrits :
« Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu » (cf. 1 Jn 4, 7b). Jean a trouvé un trésor
dans son amitié avec Jésus ; et ce trésor, il nous le donne aujourd’hui : « Aimons-nous les
uns les autres puisque l’amour vient de Dieu » (cf. 1 Jn 4, 7a).

Chers frères et sœurs, la liturgie de ce 6ème Dimanche de Pâques nous donne de
méditer sur ce qu’est l’amour ; et d’une manière particulière de revisiter l’amitié comme
forme authentique et indispensable de l’amour, de la charité. Nous voulons être les amis
de Jésus ? Faisons alors ce qu’il nous commande : « aimons-nous les uns les autres » !
Rien de plus ? Oui, rien de plus : « Aime et fais ce que tu veux » disait saint Augustin (Cf.
Commentaire de la première épître de Jean, VII, 8). En mangeant le Pain Eucharistique, Corps
glorieux de ce Christ qui a donné sa vie pour nous, demandons au Seigneur la grâce de
savoir aimer, mieux encore, la grâce de vouloir aimer. Car si je veux aimer, et aimer
comme Jésus, l’Esprit Saint qui est en nous fera le reste. Amen.

Abbé Jean-Paul FILIPPI, curé.